RÉGULATION OSTÉOPATHIQUE DES GRANDS SYSTÈMES DE L'ORGANISME VIA LES MERVEILLEUX VAISSEAUX 5ème partie : protocole de régulation ostéopathique

Avec le Lien Mécanique Ostéopathique, que l’on pourrait qualifier d’ostéopathie digitale[1], il est possible, et même souhaitable, d’intégrer les points d’acupuncture et le trajet tissulaire des méridiens dans le traitement général.

En pratique, le choix thérapeutique d’une régulation ostéopathique des Merveilleux Vaisseaux se fera essentiellement dans trois cas.

1. Après échec d’un traitement ostéopathique global ou symptomatique.

2. Lors de récidives fréquentes d’un même motif de consultation (affections récurrentes).

3. En première intention, dans certaines pathologies chroniques ou complexes, pour « déblayer » le terrain.

Dans tous les cas, nous n’opterons pour cette régulation que si les tests ostéopathiques (palpation tissulaire des points et des trajets) confirment bien la dysfonction d’un ou plusieurs MV.

La symptomatologie très riche des Merveilleux Vaisseaux demande du discernement.

Un même motif de consultation pourra dépendre de différents MV selon les cas.

Exemple : la lombalgie.

- Le Vaisseau Gouverneur pour des douleurs lombaires chroniques, plutôt symétriques, en barre.

- Le Vaisseau de Motilité du Yang pour une lombalgie latéralisée, suite d’activité physique ou de surmenage, avec irradiation sciatique et aggravation au mouvement.

- Le Vaisseau Conception pour des douleurs lombaires liées aux règles chez une jeune fille ou les lombalgies de la grossesse.

- Le Vaisseau de Motilité du Yin pour des lombalgies diffuses, avec hyperlordose, ptose viscérale et rétrolisthésis dorsolombaire (syndrome trophostatique de la post-ménopause) et irradiation possible vers le testicule chez l’homme.

- Le Vaisseau Pénétrant pour des douleurs lombaires avec une composante vasculaire (artères et veines lombales) irradiant sur les côtés ou à la face antérieure des cuisses, le lumbago avec difficulté à se redresser, les suites de chirurgie vertébrale avec fibrose cicatricielle.

- Le Vaisseau de Liaison du Yin pour une lombalgie avec spasme du psoas, suite de contrariétés affectives ou d’émotions perturbantes (colère rentrée).

- Le Vaisseau Ceinture pour le « tour de rein », des lombalgies ou des douleurs sacro-iliaques irradiant en ceinture, une sangle abdominale déficiente ou un canal lombaire étroit avec faiblesse des jambes.

- Le Vaisseau de Liaison du Yang pour des douleurs sacro-iliaques avec irradiations à la face latérale de la cuisse.

Les pathologies complexes rendent parfois difficile le choix des points à traiter si on se base seulement sur les signes cliniques.

Comme nous l’avons dit, le morphotype du patient peut être un indicateur mais ne sera pas suffisant, et encore moins nécessaire, pour poser un diagnostic.

En pratique, le testing des points d’ouverture et l’évaluation palpatoire des Merveilleux Vaisseaux restent donc le meilleur outil diagnostique pour la mise en place d’un traitement ostéopathique adapté.

[1] Un terme employé par Frederick P. Millard, un des disciples de Still, que nous reprenons volontiers car les tests du LMO et le traitement par recoil s’appliquent le plus souvent avec les doigts et sur des points précis.

Règle d’or

Pour décider de traiter un point d’ouverture et les structures du MV correspondant, il faut qu’au moins deux sur trois des critères ci-dessous énoncés s’affichent.

1. Point fixé à la mise en tension (pression légère et circumduction).

2. Point sensible à la pression.

3. Signes cliniques concordants avec une perturbation du MV en question.

Le protocole d’examen et de traitement ostéopathique que nous proposons se déroule selon 3 étapes.

Selon le procédé décrit pour l’examen des nerfs périphériques, nous évaluons chaque point d’ouverture par un test en pression/circumduction.

Le patient étant en décubitus, on peut indifféremment commencer par les 4 points du pied puis les 4 points de la main, ou l’inverse. Chaque point est testé de façon symétrique et bilatérale, en comparant le côté droit et le côté gauche.

Pour le test, nous préconisons d’abord un toucher superficiel, léger, comme un effleurement. Ce premier contact permet au praticien de ressentir immédiatement si le point présente une fixation tissulaire.

Dans un deuxième temps, on appuie un peu plus fortement sur le point, pour « provoquer » les tissus. Habituellement, les points en dysfonction sont nettement plus sensibles, voir douloureux à la pression (comparativement aux autres points).

Lorsque plusieurs points sont positifs, le test en balance inhibitrice permet de trouver le point dominant qui deviendra le point de départ du traitement. Généralement, ce point dominant se manifeste comme étant non seulement fixé mais aussi très sensible[1].

Il est aussi fréquent que, dans le cas d’un test positif, la mise en tension du point déclenche des borborygmes[2], confirmant l’implication du système nerveux autonome dans la dysfonction du MV ainsi sollicité.

[1] Parfois, le point est fixé (mais peu sensible) d’un côté alors qu’il est douloureux à la pression (mais moins fixé) de l’autre côté. La procédure de traitement ne change pas, à savoir commencer par traiter le point d’ouverture dominant (le plus fixé) et les points situés sur le trajet du MV correspondant. On peut aussi combiner un recoil sur le point fixé avec un contre-appui inhibiteur (sans recoil) sur le point sensible. Après ajustement, les 2 points doivent être équilibrés, c’est à dire ni fixé, ni douloureux à la pression.

[2] Gargouillements intestinaux très perceptibles et qui interpellent souvent le patient. Une bonne occasion pour le praticien d’expliquer l’action du traitement ostéopathique sur le système nerveux et le système digestif !

La régulation ostéopathique d’un Merveilleux Vaisseau en dysfonction se fait dans l’ordre suivant.

Avec pour exemple le MV Pénétrant (système vasculaire) et son point d’ouverture 4 Rte.

1. Ajustement du point d’ouverture.

Traditionnellement, en acupuncture, on pique les points des Merveilleux Vaisseaux pour les ouvrir, afin qu'ils déploient une action régulatrice. Sans chercher ici à stimuler ou à disperser le point.

En pratique ostéopathique, le recoil s’avère une technique de choix pour traiter ces points d’ouverture. Même si le focus est mis sur le trajet nerveux, la mise en tension préalable du recoil peut inclure, avec discernement, tout ou partie de l’environnement fascial du point : derme, tendon voisin, artère satellite, périoste de l’os.

Traitement par recoil du point 4 Rte dans le sens proximal

Il est nécessaire de bien paramétrer le recoil dont l’impulsion sera toujours dirigée contre la résistance. Les tests analytiques en traction distale/proximale et en rotation horaire/antihoraire nous indiquent exactement dans quel sens traiter le point.

Pour majorer l’action sympathique ou parasympathique, on peut aussi utiliser la respiration du patient. Si la résistance tissulaire du point à traiter se manifeste plutôt sur l’inspiration, le recoil aura un effet sympathique. Inversement, un recoil effectué l’expiration aura plutôt un effet parasympathique.

Ne pas n’hésiter à effectuer plusieurs recoils pour bien libérer la fixation tissulaire et avoir un effet d’ouverture du point. Pour ce faire, on peut utiliser l’extrémité du doigt, à la limite de l’ongle, un peu comme une aiguille en acupuncture.

2. Ajustement des lésions ostéopathiques présentes sur le trajet du Merveilleux Vaisseau.

Le trajet du Merveilleux Vaisseau impliqué constitue le fil conducteur du traitement ostéopathique.

D’un point de vue technique, la palpation d’un méridien demande un toucher particulier. Il faut considérer le méridien non pas comme une ligne mais comme un espace tissulaire englobant toutes les structures qu’il parcoure. Cette approche demande de la légèreté mais aussi de la profondeur et de la largeur pour entrer dans l’espace tridimensionnel du méridien[1]. Il s’agit aussi d’une « palpation dynamique » où la main glisse le long du méridien, en s’arrêtant sur les zones fixées (technique des dépressions cutanées).

On évalue ainsi, de proche en proche, toutes les structures anatomiques parcourues par le méridien, depuis son point de départ jusqu’à son terminus (test de mise en tension).

[1] Une approche palpatoire que l’on retrouve notamment dans le shiatsu. W. Rappenecker, Atlas de Shiatsu, les méridiens du zen shiatsu, Ed. Maloine,  2010.

Palpation et traitement de l’axe vasculaire au niveau abdominal (Vaisseau Pénétrant)

Palpation et traitement des gros vaisseaux de la base du cœur (Vaisseau Pénétrant)

Si on trouve une fixation, on la traite immédiatement (recoil). Puis on reprend le chemin du méridien, toujours en corrigeant au fur et à mesure les lésions ostéopathiques rencontrées, jusqu’à la fin. Notez qu’ici les fixations sont libérées les unes après les autres, dans l’ordre où elles se présentent, sans nécessairement utiliser les tests en balance inhibitrice pour hiérarchiser le traitement.

3. Vérification du point d’ouverture primaire.

Si ce point reste quelque peu fixé et/ou sensible, cela indique la nécessité de revenir travailler encore sur le point et le trajet du Merveilleux Vaisseau en question. Plusieurs passages sont parfois nécessaires.

4. Contrôle des points d’ouverture dont le test était positif.

Généralement, le point complémentaire, couplé au point d’ouverture initial, demande aussi à être ajusté par recoil pour renforcer l’effet de la régulation.

Contrôle du point d’ouverture complémentaire 6 MC

A la fin du traitement ostéopathique, tous les points clés doivent être parfaitement équilibrés[1].

[1] C’est-à-dire ni fixé, ni sensible à la palpation. Un bon test de vérification pour que le patient apprécie aussi par lui-même l’efficacité du traitement.

La régulation des MV a généralement un effet puissant et corrige un grand nombre de dysfonctions, y compris celles ne se situant pas dans l’axe du traitement.

Il faut cependant éviter d’être « monomaniaque » et penser que tous les problèmes sont pour autant résolus. Pour cela, nous complétons cette régulation générale en intégrant le(s) motif(s) de consultation du patient avec un traitement local des lésions ostéopathiques secondaires éventuellement présentes (ciblage symptomatique).

Si le motif de consultation a été pris en compte dans la régulation du MV impliqué, il n’y a pas nécessité de faire un ciblage symptomatique. Par exemple, si le patient consulte pour un problème d’épaule et que vous avez traité les Vaisseaux de Liaison du Yang ou de Motilité du Yang, alors pas besoin de revenir sur la ceinture scapulaire.

Mais si, comme pour le Vaisseau Pénétrant, la régulation n’inclut pas cette région, on peut envisager un traitement symptomatique de l’épaule en fin de séance[1].

Avec, dans ce cas précis, une attention particulière sur le système vasculaire de l’épaule.

[1] Cf. chapitre Les points clés de l’épaule.

Palpation et traitement de l’artère axillaire

Ce protocole de régulation ostéopathique a de nombreux avantages.

- Il est relativement simple à appliquer, avec seulement 8 points de contrôle à tester.

- Il oriente rapidement le traitement ostéopathique vers les unités nécessitant une régulation.

- Il met en évidence certaines fixations tissulaires cachées qui pourraient facilement passer inaperçues à l’examen général.

- Il stimule les forces vitales de l’organisme, renforce le terrain et donne d’excellents résultats dans les affections chroniques ou récurrentes.

- Il peut être utilisé par tous les ostéopathes formés au repérage et à la palpation des points, même sans connaissances en acupuncture.

Les quelques exemples cliniques cités plus haut, il y en aurait beaucoup d’autres à rapporter, illustrent tout le potentiel thérapeutique de la régulation ostéopathique des grands systèmes de l’organisme via les Merveilleux Vaisseaux.

Nous sommes conscients des limites de cette présentation.  Le sujet est vaste, il demande à être développé et fera l’objet de publications ultérieures.

Les Merveilleux Vaisseaux portent bien leur nom !

Eric Prat, ostéopathe DO

Dr René Descartes, médecin-interniste et acupuncteur

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1ère partie : Concept traditionnel des Merveilleux Vaisseaux.

2ème partie : Lecture anatomique et physiologique des Merveilleux Vaisseaux.

3ème partie : étude clinique des Merveilleux Vaisseaux (système sympathique).

4ème partie : étude clinique des Merveilleux Vaisseaux (système parasympathique).