LE PUZZLE PHRÉNIQUE Une nouvelle vision du diaphragme thoracique

Concept Publié le 15 avr. 2024

Même si l’anatomie et la physiologie du diaphragme thoracique sont bien connues, les techniques de normalisation habituellement pratiquées en thérapie manuelle ne donnent pas toujours les résultats escomptés. Pour remédier à cette difficulté, nous proposons ici de voir le diaphragme non plus comme une unité musculaire mais comme un puzzle composé de différentes pièces anatomiques dont chacune demande un ajustement spécifique. D’où ce nouveau concept de « puzzle phrénique »[1].

 

[1] Le mot phrénique est dérivé de l’ancien français phrene, « diaphragme », lui-même emprunté du grec ancien (διάdia: à travers) διάφραγμα, diaphragma: cloison.

Par « puzzle » nous entendons insister sur la particularité des différents éléments qui composent cette membrane musculo-tendineuse et la spécificité des tests que cela implique.

 

L’interface diaphragmatique 

Le diaphragme thoracique est la cloison musculo-tendineuse qui sépare la cavité thoracique de la cavité abdominale.

C’est le muscle essentiel de la respiration. Nous respirons en moyenne 26 000 fois par jour, soit 700 millions de fois dans une vie ! Le diaphragme possède la particularité unique d’être à la fois sous commande volontaire et involontaire.

Still accordait d’ailleurs une place essentielle au diaphragme dans le concept ostéopathique : « Par moi, vous vivez et par moi, vous mourrez »[1].

En dehors de la respiration, le diaphragme concourt aussi à de nombreuses autres fonctions.

- La phonation en modulant l’air expiratoire du larynx.

- La digestion en participant à la déglutition, au péristaltisme intestinal et à la défécation.

- L’accouchement en aidant à l’expulsion.

- La circulation de retour en stimulant la pompe veineuse et lymphatique.

- La posture en solidarisant le tronc avec le rachis (caisson abdominal).

 

Les ostéopathes associent aussi volontiers le diaphragme thoracique aux autres cloisons horizontales comme la tente du cervelet (diaphragme crânien), le plancher buccal (diaphragme pharyngien), le dôme pleural (diaphragme thoracique supérieur) ou le périnée (diaphragme pelvien).

 

Pour bien visualiser en volume les différents éléments du diaphragme, on peut comparer celui-ci à un parachute avec ses trois parties.

 

[1] Still A.T., « By me you live and by me you die! », The Philosophy and Mechanical Principles of Osteopathy, 1899.

 

    1. La coupole centrale et horizontale qui sépare le thorax de l’abdomen : la voilure du parachute.

    2. Le cylindre périphérique et vertical qui s’appose avec les côtes : les sustentes du parachute.

    3. Les piliers qui s’attachent sur le rachis lombaire : le harnais du parachute.

Le parachute diaphragmatique

 

Sur un plan fonctionnel, à l’inspiration, la contraction du diaphragme augmente la pression abdominale. Ce mécanisme d’abaissement du diaphragme s’accompagne  d’un écartement latéral des côtes moyennes (mouvement en anse de seau) qui, dans une certaine mesure, étire le muscle. Cette composante de « course excentrique » rend ainsi la contraction du diaphragme à la fois plus efficiente et plus économique. La phase respiratoire (inspir ou expir) est un point important dont il faudra tenir compte dans la correction des tensions musculaires du diaphragme.

 

Dans le concept du LMO, on remarquera que le diaphragme est en relation, directe ou indirecte, avec toutes les unités anatomiques fonctionnelles.

 

    1. L’axe vertébral par ses attaches lombaires.

    2. Le thorax par ses attaches costales.

    3. Le périphérique par l’intermédiaire des chaines musculaires et fasciales.

    4. Les lignes de force par les piliers du diaphragme et les arcades du muscle psoas.

    5. La tête par la suspension du centre phrénique (le tendon central) à la base du crâne.

    6. Le viscéral par ses rapports de contiguïté et le système ligamentaire qui le relie aux organes sus et sous-diaphragmatiques.

    7. Le système vasculaire avec le passage de l’aorte, de la veine cave inférieure, de la veine azygos et du canal thoracique.

    8. Le système nerveux avec le nerf phrénique et le passage du nerf vague.

 

Notons également que le diaphragme est parcouru par tous les Merveilleux Vaisseaux[1] décrits en acupuncture.

 

[1] Les 8 Merveilleux Vaisseaux ou méridiens extraordinaires sont les structures les plus profondes et les plus primitives des méridiens de l’acupuncture. Ce sujet fera l’objet d’un prochain article.

 

Relation du diaphragme avec les 8 Merveilleux Vaisseaux

 

    1. Les piliers par voie postérieure du diaphragme: Vaisseau Gouverneur (en relation avec l’arcade du m. psoas et les mm. spinaux)

    2. Les fibres verticales du cylindre d'apposition: Vaisseau de Motilité du Yang (en relation avec le m. oblique externe de l’abdomen et le m. grand dentelé)

    3. L'appendice xiphoïde: Vaisseau Conception (en relation avec la ligne blanche et les mm. grands droits de l’abdomen)

    4. Les digitations costales des fausses côtes (K8, K9 et K10): Vaisseau de Motilité du Yin (en relation avec le m. oblique interne de l’abdomen)

    5. Les piliers du diaphragme par voie antérieure: Vaisseau Pénétrant (en relation avec le m. psoas et le m. pyramidal de l’abdomen)

    6. Les coupoles du diaphragme et la digitation costale de K7: Vaisseau de Liaison du Yin (en relation avec le m. triangulaire du sternum)

    7. Les digitations costales des côtes flottantes (K11 et K12): Vaisseau Ceinture (en relation avec le m. transverse de l’abdomen)

    8. Les fibres verticales du cylindre d'apposition: Vaisseau de Liaison du Yang (en relation avec les mm. intercostaux)

 

Du fait de ses interactions avec les 8 Unités Fonctionnelles et le réseau des 8 Merveilleux Vaisseaux, l’interface diaphragmatique mérite clairement une place centrale dans l’examen ostéopathique général.

Les points clés du diaphragme

Le traitement fonctionnel du diaphragme par les techniques d’écoute fasciale, d’étirement musculaire, de mobilisation viscérale ou d’exercices respiratoires procure une détente appréciable mais souvent de courte durée. Nous voyons ici la différence entre normaliser momentanément sur une dysfonction (restriction d’amplitude) et traiter durablement la lésion ostéopathique (fixation tissulaire) du muscle.

 

Pour corriger efficacement une lésion du diaphragme, deux conditions sont requises.

-    Le traitement préalable des lésions ostéopathiques dominantes, où qu’elles se situent dans le corps, si la fixation du diaphragme est secondaire. Les lésions vertébrales, costales, viscérales (sus et sous-diaphragmatiques) et celles du nerf phrénique sont ici directement concernées.

-    Le diagnostic précis des points clés du diaphragme éventuellement en lésion.

 

Le diaphragme primitif procède de 4 structures mésodermiques différentes qui vont progressivement fusionner autour de la 7ème semaine intra-utérine.

Les 4 pièces du diaphragme selon leur origine embryologique

D’après Kamina, Anatomie, dos et Thorax, Ed. Maloine, 1997

Les tests du diaphragme en 4 parties distinctes se sont révélés en pratique beaucoup plus pertinents qu’un test global[1], avec plusieurs avantages.

1.    Identifier avec précision le point ou les points en lésion.

2.    Mettre en balance les différents points en lésion qui se présentent, pour déterminer la lésion dominante.

3.    Ajuster de façon spécifique la lésion dominante.

       Corriger une digitation costale ou un pilier du diaphragme n’est pas la même chose.

4.    Procéder à un traitement combiné si deux points du diaphragme sont impliqués.

       Par exemple, ajuster le pilier postérieur droit avec la digitation costale de K7 à gauche, ce qui permet d’agir sur l’orifice œsophagien.

 

Notre prochain article présentera la manière de tester et de traiter en ostéopathie ces 4 pièces du puzzle phrénique

 

[1] De même, il est plus efficient, par exemple, d’aborder individuellement chacune des 3 pièces osseuses (ilium, pubis et ischion) composant l’os coxal plutôt que de le tester globalement.

 

Eric Prat DO

 

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