Dans le respect du concept et de la philosophie du Lien, l’examen Ostéopathique est pratiqué sur l’ensemble du corps de l’animal. C’est un principe qui nous permet d’être en accord avec les règles et les lois sur lesquels nous nous appuyons : l’unité fonctionnelle du corps, l’interrelation des systèmes entre eux et la continuité des fascias.
LE SYMPTOME N’EST RIEN en médecine fonctionnelle, LE TERRAIN EST TOUT. Il est primordial de chercher la raison des manifestations (le terrain), tout en tenant compte de la symptomatologie.
Nous avons déterminé chez le cheval (et les autres quadrupèdes), 6 unités fonctionnelles (UF), représentant la totalité du corps que nous avons à examiner. Une UF se particularise par des éléments anatomiques ou physiologiques semblables ou se rapprochant et ayant des caractéristiques communes. Par exemple, UF de la colonne vertébrale, UF des membres périphériques, UF des viscères, UF du crâne, etc.
Nous devons passer systématiquement en revue ces six UF lors de l’examen clinique palpatoire. Ce protocole type est indispensable pour la bonne organisation de notre travail, afin de ne pas passer en dehors ou à côté d’un élément qui s’avérerait déterminant. Parfois, une UF n’est que partiellement accessible lorsque l’animal bouge ou se dérobe parce que quelque chose lui fait peur. Dans ce cas, il ne faut pas trop insister pour ne pas rentrer en conflit avec lui mais passer ailleurs et réessayer un peu plus tard. Plus on se rapprochera de l’examen complet, les 6 UF, plus profond sera le traitement, sa couverture, sa puissance, sa durabilité.
Les 6 UF sont ici décrites et placées dans un ordre privilégié[1].
1/ La peau.
2/ L’axe occipito vertébro-pelvien et le thorax.
3/ Les membres.
4/ Le crâne.
5/ Les viscères
6/ Les artères et les nerfs périphériques.
Unité Fonctionnelle I, La Peau
La peau un organe sensoriel, protecteur, immunitaire, réparateur. Elle est porteuse de nombreuses lésions et pathologies. Cette UF comporte les sabots qui appartiennent aux phanères[2]. Nous aborderons les sabots avec toujours la plus grande attention car les lésions sont fréquentes et ont une forte incidence sur le comportement du cheval. La peau dans son ensemble joue un rôle particulièrement intéressant dans la lésion totale, elle est souvent « la lésion primaire ». Le cheval en particulier est sujet à des agressions traumatiques nombreuses ou des blessures externes comme celles occasionnées par la selle.
Unité Fonctionnelle II, L’Axe Occipito Vertébro Pelvien, La Queue, Le Thorax
Nous regroupons ces structures dans la même UF. C’est sans conteste l’UF majeure chez le cheval[3]. Les tests se font uniquement en pression axiale sur chaque vertèbre, y compris les vertèbres sacrées, ainsi que les articulations costo-vertébrales, costo-corporéales, costo-sternales et le sternum. Les charnières sont souvent impliquées. Les vertèbres cervicales et lombaires présentent de nombreuses lésions qui, comme chez l’être humain, sont souvent secondaires car dépendantes soit de la lésion primaire soit d’une lésion des vertèbres du rachis dorsal[4]. Les lésions costales influencent le mouvement reptatoire de la colonne vertébrale, de l’ampliation thoracique, de l’état fonctionnel de son contenu. Au niveau cervical les lésions occiput et C1, sont fréquentes et nécessitent des interventions spécifiques.
Tout le long de l’axe vertébral, d’occiput au sacrum, nous devons particulièrement bien rechercher les lésions discales, très fréquentes, qui présentent une riche symptomatologie. Ces lésions peuvent affecter par compression la moelle épinière et la racine des nerfs et générer une fixation cutanée sur les dermatomes correspondants. La technique du Lien nous permet d’appréhender ce type de lésion avec précision et efficience.
Les tests sur les vertèbres sacrées sont individualisés, comme pour une vertèbre type : qui a valeur de modèle. Les troubles fonctionnels des articulations sacro iliaques nécessitent une attention particulière. Les vertèbres caudales (la queue) sont testées individuellement, l’une après l’autre.
Unité Fonctionnelle III, Les Membres
L’histoire du Lien a commencé dans les années 1970[5]. J’enseignai alors à l’École Européenne d’Ostéopathie de Maidstone en Angleterre, puis à la Faculté de Médecine de PARIS XIII, l’Ostéopathie périphérique. Je disais souvent à mes étudiants : « Ne laissez pas l’Ostéopathie périphérique à la périphérie de l’Ostéopathie, elle mérite toute votre attention. »
C’est ainsi, que les 3 principes fondamentaux du LMO : les tests en tension, la balance inhibitrice, le recoil, y ont été mis en évidence. Pour cela, je me suis appuyé exclusivement sur le périphérique, qui a donc été le point de départ du LMO.
Comme pour le reste des U.F., nous devons évaluer globalement chaque membre, antérieur et postérieur. Nous procédons membre par membre en commençant par l’antérieur droit, le postérieur droit, le postérieur gauche et l’antérieur gauche.
Ces tests globaux s’exercent du haut vers le bas, en finissant avec le sabot. Une des originalités du LMO, c’est l’introduction de la recherche des lésions « intra-osseuses », des lignes de force, ainsi que des lésions métaphysaires (lignes épiphysaires). Ces structures osseuses, riches en fonctions et en lésions, sont incontournables chez l’être humain et par la même chez l’animal, le cheval en particulier.
Le test global consiste à tester, par exemple, l’articulation de l’épaule, la gléno-humérale, en y mettant plusieurs composantes. Comme par exemple une traction longitudinale, à laquelle nous ajouterons une flexion ou une extension, une torsion. La composante des 3 paramètres entrainera une sollicitation globale suffisante pour juger de la présence possible d’une lésion[6]. Ces tests globaux du périphérique nous permettent de faire ressortir les lésions essentielles, de gagner un temps précieux, de la fatigue et surtout de respecter le principe de la lésion totale : aucun territoire anatomique ne doit être négligé ou occulté.
Chez l’animal surtout le cheval, l’Ostéopathie périphérique a un rôle particulièrement important. Les chocs directs ou indirects sont fréquents, les membres antérieurs et postérieurs sont vulnérables. Nous aurons souvent à traiter une articulation, un os, en lésion primaire, secondaire ou tertiaire…
Unité Fonctionnelle IV, Le Crâne
Il est assez difficile à tester, il faut souvent s’y reprendre à plusieurs fois, l’animal a souvent tendance à se rebeller, à retirer sa tête. Nous examinerons les articulations temporo mandibulaires (ATM) qui présentent de nombreux problèmes influençant la digestion et le comportement. Les ATM sont la localisation de nombreux traumatismes, générant des blessures articulaires ou tissulaires divers. Les lignes de force de la tête osseuse, les sutures craniennes et aussi l’encéphale (le viscéral du crâne) sont l’objet d’un examen attentif.
Unité Fonctionnelle V, Les Viscères
Bien accessibles, la thyroïde, l’œsophage, le pharynx, larynx, sont l’objet de traumatismes entre autres, générant surtout des troubles respiratoires, parfois de la toux. Des problèmes de déglutition, grave chez le cheval.
Il est plus difficile d’appréhender les troubles fonctionnels des organes intra thoracique. Cependant, cela peut se faire en usant de quelques astuces palpatoires, grâce entre autres à la constante du relief anatomique viscéro-organique, moyen de repérage remarquable que nous avons mis en évidence d’abord sur l’homme et que nous avons appelé « les dépressions cutanées »,
Le cardia, l’estomac, le foie, sont des éléments anatomiques que nous maitrisons bien au niveau de la palpation et du traitement, sur lesquels une action thérapeutique est compatible et très efficace.
Nous pouvons également aborder les éléments de l’abdomen sous diaphragmatique droit et gauche et ainsi appréhender le transit délicat des équidés particulièrement sensibles aux coliques.
La difficulté à laquelle nous nous heurtons encore maintenant, c’est le système abdominal pelvien, zone sensible chez l’animal et plus particulièrement chez la jument ou son examen appelle à la prudence. La pratique et la recherche qui continuent, nous ouvre petit à petit le chemin de sa connaissance.
Unité Fonctionnelle VI, Les Artères et les Nerfs Périphériques
Comme chez l’être humain, nous apportons la plus grande attention à cette unité fonctionnelle qui doit être systématiquement intégrée dans la lésion totale. Parfois primaire, ces structures, sont souvent négligées par méconnaissance en ostéopathie humaine ou animale. Avec le LMO, nous avons été à partir des années 1990 les promoteurs d’une approche ostéopathique concernant les artères, puis, par la suite, les nerfs. Nous pouvons de nos jours nous référer plus intimement à l’axiome d’A.T. STILL, « la règle de l’artère est suprême »[7]
Il faut bien connaitre l’anatomie et la topographie des trajets vasculo-nerveux et utiliser les dépressions et les proéminences de la surface cutanée pour leur localisation. Quand cela nécessite un traitement, il est étonnant d’observer, sur la structure traitée et son environnement, une modification immédiate du tonus, de la trophicité et même de la coloration des tissus dans certaines régions. L’artère prend une dimension particulièrement importante chez l’animal, leurs instincts, leurs perceptions accrues, réactives et sensibles ainsi que leurs communications non verbales privilégient l’action du système nerveux autonome et les réactions secondaires de spasmes vasculaires.
Nous ne ferons pas la liste, qui de toute façon serait incomplète, de toutes les pathologies pouvant être initiées, directement ou indirectement, par une lésion ostéopathique vasculaire ou neurale. Il vous appartient de les imaginer…
Il est rare de ne pas trouver des lésions sur au moins une des 6 UF que nous avons à analyser. La lésion ostéopathique est le propre du vivant, n’ayons pas peur d’elle, dialoguons et conjuguons. La quantité et l’influence de ces lésions diminuent très vite avec le suivi ostéopathique, celui-ci accompagne l’amélioration de la symptomatologie que présente l’animal. « C’est la somme des tensions ou lésions qui va créer ou participer à la symptomatologie ».
[1] En pratique, on peut aussi examiner toutes les UF de l’animal dans un ordre différent que celui ici présenté.
[2] On peut aussi intégrer les tests du sabot dans l’examen des membres (UF 3)
[3] Nous retrouvons la même importance de cette UF chez l’être humain.
[4] Que l’on peut considérer comme le véritable clavier de réglage de l’homéostasie.
[5] Voir article La petite histoire du Lien Mécanique ostéopathique par Paul Chauffour
[6] Que nous examinerons en détail uniquement en cas d’intervention thérapeutique.
[7] Ainsi que de nombreuses citations insistant sur l’importance du système vasculaire et du système nerveux dans le concept ostéopathique : « I think the law of the freedom of the nutrient nervous system is equal if not superior in importance to the law of the free circulation of the blood. » A. T. Still, Osteopathy Research and Practice (1910)