Comme exposé avec notre article précédent, nous proposons d’aborder le diaphragme thoracique non plus comme une unité musculaire mais comme un puzzle composé de différentes pièces anatomiques dont chacune demande un test et un ajustement spécifique.
Pratique ostéopathique
1. La coupole diaphragmatique issue des membranes pleuro-péritonéales.
Une fois repéré le sillon diaphragmatique grâce à la technique des dépressions cutanées, le praticien effectue un test en pression-traction sur chaque coupole. La coupole droite est en relation avec le ligament coronaire du foie et les ligaments phrénico-péricardiques droit et gauche enserrant l’orifice de la veine cave inférieure. La coupole gauche est en relation avec le ligament phrénico-péricardique antérieur et le ligament phrénico-gastrique.
Test de la coupole diaphragmatique gauche
En complément, il existe aussi un point neuro-musculaire intercostal[1], le point d’acupuncture 46 V, qui mérite d’être connu[2].
Le test en pression-circumduction sur ce point se révèle souvent positif en cas de fixation de la coupole diaphragmatique dans les scolioses thoraciques[3] ou les affections pulmonaires.
[1] Situé juste en dedans de la pointe de la scapula et correspondant au rameau dorsal du 7ème nerf intercostal.
[2] 46ème point du méridien Vessie: Ge Guan – littéralement « la porte du diaphragme ».
[3] En cas de scoliose, le point fixé se trouve toujours du côté de la gibbosité thoracique. Il s’accompagne souvent d’une scapula alata. Nouvelle approche Ostéopathique de la scoliose
Test du point clé thoracique 46 V « porte du diaphragme »
2. Les piliers du diaphragme issus du méso-œsophage dorsal.
On peut aborder les piliers par l’intermédiaire du ligament arqué latéral (anc. ligament cintré du diaphragme), entre l’apophyse transverse de L1 et la 12ème côte. Le test se révèle positif en cas de blocage du pilier diaphragmatique avec possiblement associées des dysfonctions costales (12ème côte abaissée), viscérales (rein et surrénale, jonction œsophago-cardio-tubérositaire à gauche), musculaires (psoas et carré des lombes), vasculaires (aorte abdominale) ou neurales (chaine sympathique lombaire).
Ce point clé correspond au grand point de revitalisation décrit par Knap[1].
[1] Gëorgia Knap, 1866-1966, inventeur et naturopathe français, concepteur d’une méthode de ponçage de points réflexes, auteur de Pour vaincre la décrépitude du corps et du visage et reculer les limites de la mort, Éd. du Cottage social, 1933. Il a codifié 18 points majeurs pour « rectifier les circuits de la douleur ». Knap considérait le point situé entre la 12ème côte et l’extrémité de la transverse de L1 comme le plus important de tous (le majeur des majeur).
Test du ligament arqué latéral et de ses insertions diaphragmatiques par voie postérieure
Les piliers du diaphragme et l’orifice aortique peuvent aussi être contactés par voie antérieure.
Cette approche abdominale nécessite beaucoup de précaution pour ne pas appuyer sur le pancréas[1]. Notez la relation du pilier droit avec le système lymphatique (citerne du chyle) et du pilier gauche avec le ligament de Treitz. Comme le pilier gauche est en relation avec la petite courbure de l’estomac (le collier d’Helvétius[2] ), cette approche par voie antérieure donne d’excellents résultats sur les hernies hiatales et les dysfonctions œsophago-cardio-tubérositaires.
[1] Par sécurité, il convient de se positionner à la hauteur du tronc cœliaque, soit au moins 3 travers de doigts au-dessus de l’ombilic. Et, bien entendu, ne pas appuyer sur l’aorte mais rester en dehors, à la limite de son bord latéral. Chaque pilier, droit ou gauche, doit être investigué séparément pour éviter toute compression de l’aorte abdominale. Cette technique exige un certain doigté.
[2] Régis Olry, Cravate suisse ou collier d’Helvétius, une petite histoire à connaitre, Université du Québec à Trois-Rivières, département d’anatomie. https://oraprdnt.uqtr.uquebec.ca/pls/public/gscw031?owa_no_site=1313&owa_no_fiche=118#:~:text=R%C3%A9gis%20Olry%2C%20professeur%20titulaire%2C%20D%C3%A9partement%20d'anatomie&text=Celles%20qui%20r%C3%A9pondent%20au%20c%C3%B4t%C3%A9,de%20cravate%20de%20Suisse%20%C2%BB%201.
Test du pilier gauche du diaphragme par voie abdominale
3. Les digitations costales issues des myotomes cervicaux et thoraciques.
Les digitations costales du diaphragme se trouvent à la face interne des rebords costaux de K7 à K12, à côté des insertions du muscle transverse de l’abdomen.
Le test s’effectue par une pression, avec les pouces en dedans du rebord costal et dirigés vers le haut[1]. Il est nécessaire de faire un test spécifique pour chaque digitation costale, depuis l’appendice xiphoïde jusqu’à la 12ème côte.
Ce test met souvent en évidence des dysfonctions costales (côte enfoncée, syndrome de Cyriax), viscérales (foie à droite et estomac à gauche) ou musculaires (paroi abdominale) qui autrement passeraient facilement inaperçues. Le point en lésion se révèle généralement très sensible à la pression.
[1] D’où la nécessité de bien visualiser le cylindre vertical que forment les fibres musculaires du diaphragme apposées à la face interne du thorax.
Test des digitations diaphragmatiques de K8
4. Le centre phrénique issu du septum transversum
Le point clé de ce centre tendineux se situe à la hauteur du sillon diaphragmatique, au niveau de la 5ème sternèbre, et correspond au point d’acupuncture 17 Vaisseau Conception.
Le test se révèle souvent positif en cas de fixation basse du centre phrénique avec possiblement associés une ptose du cœur, une cyphose thoracique, une insuffisance cardiaque ou un état de fatigue chronique. Lésion ostéopathique fréquente chez les personnes âgées.
Test du centre phrénique
Cas cliniques
Mme G. M.C., 65 ans, souffre de vives douleurs thoraciques avec difficulté à respirer, notamment la nuit. Elle a déjà consulté différents ostéopathes sans beaucoup d’amélioration. La fibroscopie fait état d’une hernie hiatale par roulement[1] avec un engagement de 4 cm vers le haut. Les tests LMO mettent en évidence une fixation très précise du pilier diaphragmatique antérieur gauche. Après ajustement par recoil du pilier gauche et de la hernie par roulement, la patiente connait une nette amélioration des douleurs. Revue quelques années plus tard pour des lombalgies et quelques reflux acides (sans douleurs thoraciques), elle nous présente le résultat d’une nouvelle fibroscopie : la hernie hiatale a complètement disparue !
Mme M. P., 43 ans consulte pour des dorsalgies et des épisodes de pyrosis. La gastroscopie confirme le diagnostic d’une hernie hiatale par glissement de 3 cm nécessitant un suivi. La correction spécifique par recoil du pilier diaphragmatique gauche et le traitement ostéopathique global solutionnent les douleurs dorsales et le reflux gastrique en 2 séances. La gastroscopie de contrôle qui était prévue montre, au grand étonnement du radiologue, une réduction totale de la hernie hiatale avec un cardia normal et continent.
Mme X. Y., 88 ans, souffre de dorsalgies chroniques attribuées à une cyphose thoracique, une arthrose rachidienne étagée et une ostéoporose. Elle témoigne aussi d’une insuffisance cardiaque avec fatigue et essoufflement. L’examen ostéopathique met en évidence comme lésion primaire une fixation basse du centre phrénique avec ptose du cœur. Dès la première séance, la patiente se redresse et respire mieux. Actuellement suivie à raison de 3 ou 4 consultations par an, elle n’a plus mal au dos et se sent beaucoup moins fatiguée.
[1] Une lésion peu fréquente et différente de la hernie hiatale par glissement. La hernie par roulement passe souvent inaperçue car elle ne s’accompagne pas de reflux gastriques. D’où la nécessité d’un test ostéopathique spécifique pour bien l’identifier.
Eric Prat DO