Alors que le test de mise en tension évalue l’aspect structurel de la lésion ostéopathique (perte d’élasticité du tissu), le test en balance inhibitrice s’adresse plus à l’aspect fonctionnel de la lésion (degré d’activité et de perturbation neurologique). De ce fait, le test en balance inhibitrice nécessite un contact plus léger et subtil que le test de mise en tension, même si techniquement il s’agit juste de reproduire simultanément deux tests de mise en tension positifs. Cet aspect subtil déroute parfois les praticiens débutants qui considèrent, à tort, le test en balance inhibitrice comme un simple test de comparaison d’élasticité ou de densité entre deux structures.
En pratique, je me mets dans un état mental de neutralité pour ne pas favoriser intellectuellement telle ou telle lésion qui paraitrait, à priori, dominante. De même, je fais abstraction de la densité des tissus pour ne pas privilégier les structures plus solides (os, articulation) au détriment de celles plus molles (viscères, artères).
Le réflexe inhibiteur reflète le côté vivant de la souffrance tissulaire qu’il faut capter, comme on capte le sourire ou l’éclat d’un regard d’une personne. J’évite donc de m’attarder et surtout de passer en « mode d’écoute » avec un contact trop prolongé.
Même si on peut essayer de se mettre en « mode intuition » et faire une « balance mentale » pour décider quelle lésion domine, mon expérience m’a enseigné l’humilité et la nécessité de garder un contact avec la structure pour ne pas partir dans une mauvaise direction. Lorsque le choix n’est pas clair, il m’arrive parfois de changer (intervertir) les mains pour reprendre le test. Le risque de ce procédé étant d’en prendre l’habitude, j’en use avec parcimonie.
Olivier Samson
Dans mon ancrage, ma neutralité et ma bienveillance, je réalise un contact sur l'expression de deux lésions des structures du corps du patient, en effondrement ou en excès.
Par cette mise en communication, je retiens celle qui s'exprime d’avantage, comme si une lésion captait l'énergie de l’autre pour être plus forte.
Mikhaïl Bodykhov (traduction: Olga Okuneva)
Le test en balance inhibitrice pour moi est une façon d’interroger le système nerveux du patient pour révéler une priorité d’une telle ou telle lésion ostéopathique. La dominante que je recherche se trouve déjà parmi les lésions détectées au préalable ; il me reste à la mettre en lumière – d’une manière impartiale et libre des préceptes – comme si je disposais d’une lampe-torche. Une impartialité et une absence des estimations préalables veulent dire pour moi mettre de côté tous les concepts, rejeter même les antécédents personnels du patient et son motif direct de consultation, laisser s’évacuer tous les espoirs et toutes les craintes. Il n’existe que le test. Pour ce faire je dois me mettre en état de conscience : me débarrasser d’une tension excessive dans mes mains et dans tout mon corps ; me concentrer sur ma respiration et ensuite sans rompre ce rythme (ce qui est très important) capter (attraper, reconnaître) le sentiment qui correspond à l’intervalle entre l’inspiration et l’expiration. En cet instant mon attention n’est concentrée que sur l’acte même de la prise de conscience. Je ne suis pas perdu dans mes pensées, je suis vigilant et libère ma perception des filtres et des barrières de diverses natures (apriori, attentes, etc.) pour pouvoir sentir directement le résultat du test en balance inhibitrice. Si au premier instant je n’y vois pas clairement, je retire les mains, je me relaxe et me mets de nouveau à ajuster mon état interne. Pour m’entraîner à atteindre l’état mental libre de tout préjugé, j’ai recours aux pratiques de la pleine conscience (mindfulness).
Si les lésions ostéopathiques que je compare sont bien éloignées l’une d’autre et je n’arrive pas à garder l’équilibre nécessaire pour le test en balance inhibitrice, j’utilise une légère percussion. Je fais le test de la mise en tension avec une main et avec une autre main je fais une courte légère percussion sur cette première main jusqu’à ce que je sente une élasticité minimale des tissus dans la zone de la lésion ostéopathique. Ensuite j’ai de 5 à 10 secondes pour vérifier les changements de l’autre lésion ostéopathique.
Olivier Dusser
La balance inhibitrice, outil fondamental du LMO, demande à reproduire le même geste que le test de mise en tension mais simultanément sur deux lésions différentes afin d’établir une lésion dominante sur l’autre.
Il ne s’agit plus de tester l’élasticité du tissu, car cela se fait lors de la mise en tension au moment du test, mais plus d’appréhender la lésion la plus forte, la plus active entre les deux.
Généralement, quand je fais une balance, je ressens une des deux lésions qui lâche, qui devient plus souple, plus molle sous les doigts, comme si son énergie baissait, tandis que l’autre semble, de ce fait, plus dure, se crispe, ou se majore. Je m’imagine, quand je fais la balance entre deux lésions, d’appuyer simultanément sur deux morceaux de bois plantés en terre. L’un plie ou tombe, l’autre reste droit. L’un a peu de racines et s’effondre, l’autre a plus de racines, reste solide et résiste à la pression.
La réponse est rapide, voire immédiate quand on pose les doigts pour exécuter une balance.
J’ai plus de facilité à sentir la lésion qui se relâche, qui devient « molle », ce qui signifie que cette lésion disparait, se neutralise, alors que l’autre continue à se cristalliser sous le doigt et être active.
Je conçois tout à fait que l’on puisse sentir de préférence la lésion qui se majore, plutôt que celle qui s’effondre. Chacun trouvera sa sensation pour déterminer quelle lésion domine sur l’autre.
Au début cela peut aider que de se poser la question mentalement, en demandant au corps du patient : « indique-moi la lésion la plus active ». Et pour moi, je garde comme lésion dominante, celle qui ne fond pas.
Il n’est pas toujours simple, c’est vrai, de mettre en balance deux tissus d’élasticité différente (par exemple un os et un viscère). On peut avoir tendance à appuyer plus sur ce qui est plus profond. Il faut savoir rester superficiel sur les points de balance, tout en mettant le tissu en tension. Et c’est sans doute ce qui est le plus difficile à acquérir.
Ramy Raafat
J’ai entendu parler du terme de « lésion primaire » dès mes premières années d’études en ostéopathie. Le but principal de l’examen ostéopathique, avec tous les tests de notre caisse à outils, était de trouver la lésion primaire. Tous les enseignants nous parlaient en ces termes mais personne ne nous disait « comment y arriver ? ». Quand je posais la question, on me disait que je verrais cela au cours de mes études. Après être diplômé et une pratique de plusieurs années, j’ai réalisé qu’il n’y avait en fait pas de réponses claires à ma question et que la lésion primaire n’était qu’un mythe. Quelques années plus tard, j’ai connu le Lien Mécanique Ostéopathique avec une solution à mon problème, à savoir le test en balance inhibitrice. Cette technique « magique » et très simple permet de comparer facilement deux lésions ostéopathiques entre elles pour déterminer la dominante, et pour ensuite trouver la « dominante des dominantes ». La lésion primaire n’était plus un mythe !
Pour moi, il s’agit essentiellement de comparer la vitalité des tissus. L’intérêt pratique de la balance inhibitrice réside dans le fait de pouvoir comparer deux types de tissus différents comme un os et une artère. En gardant à l’esprit que ces structures ont la même origine embryologique, on peut voir les différents tissus du corps comme un seul et même continuum. C’est un principe fondamental selon AT Still de considérer le corps comme « une seule unité ». Ceci est différent de l’actuelle catégorisation en structurel, crânien, viscéral, … qui n’est pas en harmonie avec l’ostéopathie originelle de Still.
On peut se demander s’il est possible de trouver plus de résistance sur un nerf que sur un os ? La réponse est oui car nous ne comparons pas la densité des tissus mais la vitalité, la composante neurologique de la lésion ostéopathique. C’est pourquoi nous ne devons pas du tout appuyer fortement mais avoir une forme très légère du test en tension avec un simple toucher pour percevoir le message du tissu. Nous ne cherchons pas la résistance des tissus car, ayant réagi anormalement au test de mise en tension lors de l’examen des différentes unités, nous savons déjà que c’est une lésion ostéopathique. Mais ici, avec le test en balance inhibitrice, nous comparons la réaction de deux lésions l’une par rapport à l’autre pour déterminer quelle est la dominante.
La validation clinique du test en balance inhibitrice est la partie la plus amusante du processus parce que, lorsque vous trouvez une lésion primaire (sur un tissu mou comme un nerf par exemple) et que vous la traiter, vous pouvez constater que beaucoup de lésions se libèrent (même celles des tissus durs comme les os ou les grosses articulations) sans les traiter directement.
Ce que j’apprécie le plus avec le test en balance inhibitrice est qu’il fait, de façon remarquable, gagner du temps en réduisant le nombre de lésions à traiter et la durée de la consultation. Si vous traitez la lésion primaire, de nombreuses lésions disparaîtront d’elles même. Si vous êtes encore un débutant dans votre pratique du LMO et que votre test en balance n’est pas très juste, pas de problème ; cela vous prendra simplement plus de temps pour traiter plus de lésions. Mais à la fin, vous aurez quand même atteint votre but, la lésion totale.