Approche de la posture du cheval par un traitement ostéopathique du sabot

Pratique Publié le 22 mars 2024

On connait l’importance de l’état de santé du sabot et son rôle mécanique dans la posture et l’homéostasie de l’équidé mais de quelles solutions ostéopathiques dispose-t-on aujourd’hui pour traiter un sabot ?!

La méthode du Lien Mécanique Ostéopathique propose ici une approche originale avec une valeur ajoutée unique dans les dysfonctions locales : dysmorphismes du sabot, défauts d’aplomb, tendinites, engorgement[1] de la pompe artérioveineuse du pied, etc. Sans oublier toutes les dysfonctions à distance ayant pour point de départ une lésion ostéopathique du sabot.

 

[1] Rétention veino-lymphatique.

Organisation physiologique

Le sabot représente un élément capital à ne pas négliger dans l’organisation générale de la biomécanique du cheval. Il peut être considéré comme un organe à part entière. Il contient tous les éléments anatomiques des différents systèmes (nerveux, vasculaire, osseux, tendineux, tégumentaire, etc.) dont l’équilibre physiologique garantit l’état de santé de l’animal.

Le sabot représente la capacité d’adaptation entre le milieu extérieur et les contraintes mécaniques posturales intrinsèques du cheval. C’est le lien privilégié, le contact, l’ancrage de l’animal au sol. De ce point de départ dépend le bon fonctionnement biomécanique de l’homéostasie du corps de l’animal.

Anatomie

Le sabot est la boîte cornée qui chausse l’extrémité du doigt chez les chevaux. Il équivaut donc à un ongle qui serait extrêmement développé et refermé autour de la phalange distale.

La partie externe du sabot est composée par la paroi de la boîte cornée antérieurement, principalement constituée de matière organique (protéines) et d’eau (25%) sur une épaisseur d’environ 1 cm, refermée par la sole et la fourchette qui forme un plancher élastique sur la partie inférieure.

La partie interne est osseuse et cartilagineuse avec la présence de la troisième phalange, la partie inférieure de la deuxième phalange, l’os sésamoïde en arrière et latéralement les fibrocartilages. On retrouvera également le coussinet plantaire postérieurement. Celui-ci a un rôle important dans l’encaissement des chocs et le drainage veineux du pied.

Entre la troisième phalange et la paroi nous retrouvons le chorion (tissus kéraphylleux). Ces éléments sont organisés en lamelles parallèles avec un constant renouvèlement à sa base par le bourrelet principal. En apparence, ce tissu peut paraitre inerte mais, en réalité, la boite cornée est en perpétuel mouvement.

Le sabot ou « ongle du cheval »

 

Le réseau artérioveineux est très développé autour des structures décrites précédemment.  L’apport vasculaire se densifie de façon proportionnelle à la demande nutritive des organes en rapport et de leurs activités propres. Si l’on observe le réseau vasculaire du « pied » du cheval, on comprend rapidement la nécessité de son bon fonctionnement.

Différentes études décrivent le rôle d’amortissement hydraulique de ce réseau et l’importance capitale du rôle liquidien dans l’absorption des chocs[1].

Le sabot est ainsi constitué pour accepter la déformation sous la contrainte tout en maintenant une résistance nécessaire à la protection des structures internes. Debra Taylor parle du sabot en termes de « structure intelligente »[2].

 

[1] Ted S. Stashak, Hoof Capsule Integrity for Improved Morphology, the equine documentalist, 2022 and Adams’ Lameness in horses. Philadelphia: Lea and Febiger 1987.

Evidence Based Podiatry, The equine documentalist, 2021.

[2] P. Ramey, Rehabilitation and Care of the Equine Foot, 2011.

La mobilité du sabot

Les différentes études et schémas théoriques aboutissent aux mêmes conclusions [1]: le sabot et ses composants doivent impérativement conserver une mobilité intrinsèque et extrinsèque pour bien fonctionner. Il faut considérer une mobilité latérale en expansion et une mobilité antéro-postérieure induites par la compression du coussinet, le système hydraulique, l’expansion des cartilages latéraux, etc.[2]

D’où l’intérêt sur le plan ostéopathique, de pouvoir conserver cette dynamique essentielle reposant sur la compression antéro-postérieure et l’expansion latérale.

 

[1] Cf. références précitées et aussi B. Clark, Recherches sur la construction du sabot du cheval, Bibliothèque de France, 1817.

[2] Mécanisme hémodynamique - La clé de la santé des sabots, The equine documentalist, 2020. Illustration par les auteurs des théories traditionnelles de l’hémodynamique du sabot (Bowker 1998).

 

Traitement ostéopathique des lignes de force du sabot

Les lignes de force intra-osseuses forment un réseau qui traverse l’os trabéculaire (os spongieux) et l’os cortical (travées de Havers) pour assurer la transmission, la répartition et l’amortissement des contraintes s’exerçant sur le squelette[1]. Les composants du sabot, sous les contraintes mécaniques, se remanient de façon similaire aux ostéocytes (cellules osseuse).

Le testing des lignes de force, qui fait partie intégrante de l’examen ostéo-articulaire de l’animal, demande aussi chez les équidés et les bovins une évaluation systématique du sabot.

L’observation clinique et palpatoire, la transposition des tests de la méthode LMO sur l’animal ainsi que les propriétés anatomiques des éléments du sabot, nous ont permis d’aboutir à une évaluation des lignes de force du sabot par des tests en compression.

 

[1] Cf. Lésion du segment vertébral, les lignes de force spinales.

 

Les principales lignes de force du sabot selon le modèle géométrique de Duckett

 

   O     COR : centre de rotation        ___   Lignes de force évaluées

 

Les principales lignes de force du sabot que nous testons sont au nombre de six.

Elles s’organisent à partir du centre de rotation (COR) selon le modèle géométrique de Duckett[1].

Le testing en compression de ces lignes de force permet l’évaluation des contraintes latérales, antéro-postérieures et en torsion qui s’exercent sur le sabot ferré ou non.

Notre dernière expérimentation sur les tests des lignes de force révèle que ces lésions sont plus fréquentes sur les chevaux en box que ceux au pré. L’inactivité du cheval semble être un facteur favorisant plus marquant que le ferrage qui entretient tout de même une rigidité sur la nécessité de déformation physiologique du pied. [2]

 

[1] D. Duckett, The assessment of Hoof Symmetry and Applied Practical Shoeing by Use of an External Reference Point. International Farriery and Lameness Seminar, Newmarket, England. 1990.

[2] Expérience faite sur plus de 200 chevaux avec un test des lignes de forces du sabot sur les antérieurs et les postérieurs en proportion égale entre les chevaux en box et en extérieur.

Test en compression d’une ligne de force du sabot

 

L’ajustement d’une lésion de ligne de force du sabot s’effectue par la technique du recoil. L’expérience nous a montré que ce geste correcteur, même aussi léger que celui effectué sur l’être humain donne aussi chez le cheval d’excellents résultats[1].

Les corrections obtenues amélioreront la stabilité des appuis localement et auront une action à distance sur l’ensemble des lignes de force du squelette.

Cette approche spécifique du sabot, en complétant l’examen ostéopathique général, apporte ainsi de nouvelles possibilités de traitement chez les équidés. [2]

 

[1] Ce qui en retour, puisque l’effet placebo est moindre chez l’animal que l’homme, valide aussi l’efficacité de cette technique en ostéopathie. Certains chercheurs avancent que l’association d’un signal répété et d’une expérience physique, ce qu’avait démontré le médecin russe Ivan Pavlov, pourrait avoir un effet placebo chez l’homme, voire chez l’animal. Mais comme ici le geste n’est pas répété, on ne peut pas considérer le recoil comme un réflexe conditionné générant un effet placebo.

[2] Ce traitement a également un intérêt chez les bovins mais avec une difficulté sécuritaire pour certaines espèces.

Cas Clinique

Traitement d’une jument de 10 ans présentant des douleurs thoraco-lombaires avec une cambrure algique lors de la monte du cavalier.

Cette jument avait été traitée à plusieurs reprises en ostéopathie classique mais sans résultats.[1]

Lors des tests effectués en LMO on notera les lésions ostéopathiques suivantes :

    - dermatome de L4

    - articulation temporo-mandibulaire gauche

    - ligne de force latérale du sabot sur le postérieur gauche

    - veine saphène droite

    - disque L3/L4 à gauche

    - filum terminal

    - C4

    - T7

    - rein droit

    - estomac

Traitement de la lésion primaire : veine saphène droite.

Lésions secondaires traitées : rein droit, ligne de force du sabot, disque L3/L4 et articulation temporo-mandibulaire gauche.

 

La jument a eu plusieurs réactions neurovégétatives pendant la séance : somnolence, accélération du transit, légers tremblements dermiques.

Le résultat a été assez spectaculaire car, après quelques jours de repos et une remise au travail progressive, les symptômes de cambrure ont totalement disparu.  

 

[1] Séances avec des ostéopathes animaliers ne pratiquant pas la méthode LMO.

 

Paul Chauffour DO

Sophie Nikitine DO

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