Le périnée

Pratique Publié le 7 févr. 2024

Il est un territoire anatomique que notre culture et/ou notre éducation semblent trop vite éviter en ostéopathie : le périnée !

Pourtant associé à des fonctions vitales (urinaire, défécation, reproduction et sexualité), mais aussi mécaniques (soutien), le périnée est généralement difficile à visualiser, mal compris, voire oublié. Dans notre « art ostéopathique », il est souvent mis de côté[1], laissant ainsi un vide dans l’examen général et la prise en charge globale de nos patients.

Négliger tout un territoire comme le périnée prive potentiellement le thérapeute d'une ou plusieurs clés pour solutionner une problématique.

La constante évolution de la méthode du Lien Mécanique Ostéopathique a fait ces dernières années une place au périnée dans sa systématique d’examen. En respectant les principes du LMO (examen des structures anatomiques, abord par voie externe, détermination de la lésion totale, hiérarchisation des lésions et traitement par la technique du recoil), nous avons mis au point un abord simple et précis du périnée pouvant se faire en toute bienveillance.

 

[1] Rappelons que dans la législation française relative aux actes et aux conditions d’exercice de l’ostéopathie (article 3 du décret n° 2007-435 du 27 mars 2007), le praticien ne peut effectuer de manipulations gynéco-obstétricales ou de touchers pelviens (par voie vaginale ou rectale).

 

Considérations générales

Le terme périnée regroupe en fait un système myo-fascial-pelvien (MFP):

   - Avec des fascias, des ligaments pelviens et des arcs tendineux.

   - Le plancher pelvien ou muscle releveur de l’anus

   - Le périnée proprement dit, structure anatomique la plus superficielle.

Ce système MFP est dans la continuité des fascias abdominaux et thoraco-lombaire, des membres inférieurs.

La dynamique pelvienne prend en considération l’adaptabilité de ce dernier aux pressions et surpressions abdomino-pelvienne.

Elle est fonction de nombreux facteurs :

   - Du diaphragme thoracique, des pressions abdominales et de la gravité.

   - Des organes pelviens : la vessie, le rectum, la prostate chez l’homme, le vagin et l’utérus chez la femme (position, orientation, élasticité, plan de glissement entre organes…)

   - Des canaux excréteurs (urètre, vagin, canal anal) qui grâce en particulier au muscle releveur de l’anus, forment des angles ou cap qui participent à augmenter la continence.

   - De l’élasticité et le bon articulé des pièces osseuses du bassin.

   - De l’intégrité des structures ligamentaires et des arcs tendineux.

   - De l’état du tonus des muscles du plancher pelvien et du périnée.

 

La rééducation du périnée se résume trop souvent à un problème de muscles !

Ce dernier est en fait constitué de 80% de tissu conjonctif pour seulement 20% de tissu musculaire.

Le tissu musculaire se compose lui-même de 80% de fibres type I toniques (tonus postural) et 20% de fibres type II, phasiques (contractions volontaires).

Sous le terme tonus du périnée, il faut donc comprendre la tonicité de tout le système MFP, dépendant autant, sinon plus, de l’élasticité et de la force du tissu conjonctif que de celles des muscles releveurs de l’anus et du périnée.

La prise en charge habituelle des troubles d’incontinences insiste quasi-exclusivement sur le renforcement musculaire des fibres types II.

Il est possible d'avoir un tonus de charge correcte (savoir contracter le périnée avec une force correcte) mais un tonus de base (sans volonté de contraction) faible ou effondré en cas de relâchement du tissu conjonctif. D’où l’intérêt d’une approche ostéopathique visant à équilibrer tout le système MFP telle que nous la proposons.

 

Principales causes d’atteintes périnéales

Les étiologies des souffrances périnéales que nous rencontrons en pratique sont diverses.

Les malpositions organiques tel que l’utérus rétroversé, les phénomènes de constipation chroniques, les surcharges pondérales, la sédentarité, les efforts en hyperpression abdominales, les mécanismes traumatiques obstétricaux, les séquelles de chirurgies abdomino-pelviennes peuvent favoriser ou créer des atteintes en élongation, compression, rupture ou dénervation sur le territoire de soutien pelvien.

 

Dans les efforts en hyperpression répétés, fréquents chez les travailleurs de force ou les sportifs, la résultante des pressions abdomino-pelviennes ne s’applique plus correctement sur les structures dédiées à l’absorption des contraintes comme le raphé ano-coccygien tendu entre l’anus et la pointe du coccyx (représenté en vert sur le schéma ci-dessous), mais sur la fente uro-génitale, zone antérieure fragile par excellence du périnée.

Hyperpression périnéale

En fonction du sexe, des fragilités individuelles, les conséquences de ces efforts en hyperpression favorisent l’incontinence urinaire d'effort.

Il faut savoir qu’aujourd’hui en France plus de trois millions de femmes présentent des troubles urinaires dont 13% ont moins de 20 ans[1]. Un chiffre éloquent auquel on peut ajouter les troubles urinaires masculins peu ou pas évalués.

Notons que ces efforts en hyperpression peuvent également participer à la mise en place de hernie de toutes sortes : inguinale, crurale, ombilicale, voire discale.

 

Les mécanismes traumatiques obstétricaux possiblement rencontrés lors de l’accouchement par voie basse (compressions, étirements, ruptures…) ou parfois induits lors des épisiotomies, des accouchements assistés instrumentalement ou dans les conséquences possibles des suites de césariennes, peuvent engendrer un certain nombre de lésions sur le territoire périnéal.

Il est fréquent de retrouver des tissus cicatriciels plus ou moins adhérents, à différentes profondeurs pouvant entrainer des algies pelviennes, des dyspareunies[2], des incontinences urinaires ou anales, des hémorroïdes, de la constipation chronique, des béances vulvaires, des prolapsus utérin, vésical ou rectal (hystérocèle, cystocèle, rectocèle)…

 

[1] https://www.sphere-sante.com/incontinence-information/chiffres-incontinence.html

[2] Douleurs lors des rapports sexuels.

 

Mécanisme traumatique centrifuge obstétrical

Les violences sexuelles subies par les adultes ou les enfants sont des sujets très délicats que l’examen ostéopathique peut faire apparaitre. Là encore, la réserve et l’écoute bienveillante du praticien sont des facteurs essentiels pour que la personne victime puisse se confier librement.

Il faut porter beaucoup d’attention à ces plaintes qui restent trop souvent silencieuses, par pudeur ou parce que le patient pense que cela ne relève pas de l’ostéopathie. D’où l’intérêt, lors de l’examen du cadre pelvien, d’un testing rapide mais systématique des points clés du périnée pour objectiver ou non la présence d’une ou plusieurs lésions ostéopathiques.

 

En pratique

Dans notre pratique ostéopathique, nous aborderons le territoire MFP par la porte qui ferme l’excavation pelvienne : le périnée.

Nous distinguons le périnée postérieur ou anal et le périnée antérieur ou uro-génital.

Tous les tests proposés, sans exception, se font par voie externe[1] à travers le sous-vêtement et ne doivent créer aucune gêne chez le patient. Avec l’idée de pouvoir faire une évaluation simple et rapide du périnée qui s’inclura facilement dans l’examen général ostéopathique, au même titre que les autres structures de la ceinture pelvienne.

Ce territoire ne sera abordé chez nos jeunes patients qu’à partir d’un motif de consultation et d’une symptomatologie clairement établie. La présence, l’accord des parents ainsi qu’une explication adaptée à chacun est incontournable.

Dans notre pratique, les tests de base de mise en tension du LMO sont suffisants pour identifier une atteinte périnéale (muscles, ligaments, arcades tendineuses, paquet vasculo-nerveux, périostes, organes…).

Si un ou plusieurs tests de base s’avèrent positifs, les tests spécifiques[2] seront alors mis en place pour préciser le schéma lésionnel et le traiter de façon adéquate.

 

1. Le périnée postérieur est examiné à la suite du coccyx, des ligaments sacro-ischiatiques et des ischions, patient en position assise[3].

 

2. Le périnée antérieur est évalué avec l’os coxal, en dedans des branches ischio-pubiennes et en dehors de la fente uro-génitale[4], patient en décubitus.

 

[1] Après naturellement avoir expliqué brièvement notre intention thérapeutique et obtenu l’accord du patient ou de la patiente.

[2] Identifier précisément l’élément de la structure anatomique à traiter.

[3] Rappelons la nécessité de systématiquement prendre en compte les déséquilibres du cadre osseux pelvien dans toute normalisation du périnée.

[4] Une règle absolue pour préserver l’intimité de la personne.

 

Test du périnée antérieur à droite

 

Cette évaluation de la région périnéale doit aussi inclure le test des nerfs cluniaux (moyens et inférieurs), le test du nerf pudendal et le nerf cutané postérieur de la cuisse.

Chez la femme, le testing du périnée est complété par les tests de l’utérus et des ovaires[1] par voie abdominale qui sont effectués lors de l’examen viscéral. Sans oublier l’évaluation du diaphragme thoracique[2] et de la paroi abdominale qui participent à l’équilibration du jeu des pressions s’exerçant sur le périnée.

 

Il n’est bien entendu pas possible de décrire ici en détail tous les tests spécifiques du territoire périnéal. D’autant plus que ce domaine nécessite une éducation particulière de la main ne pouvant s’acquérir que par un enseignement pratique bien dirigé.

 

[1] Chez l’homme, il faut également ajouter un test toujours par voie externe de la prostate. Le foramen obturateur offre aussi une interface intéressante sur les organes pelviens et mérite un test propre (avec le nerf obturateur). Cf.  P. Chaufour, E. Prat, J. Michaud, LMO points clés du système nerveux, Ed. Sully.

[2] Cf. chapitre le puzzle phrénique.

 

Cas Cliniques

Un patient de 61 ans, pilote de ligne, présente une lombalgie chronique et des mictions nocturnes fréquentes. Son taux de PSA est faible et stable. A l’examen ostéopathique, nous retrouvons différentes lésions dont une prostate en expansion et fixée de façon bilatérale.

Le traitement ostéopathique global consiste à traiter le rein gauche, une ligne de force transverse sur les condyles droit, le nerf fibulaire profond et la prostate par voie périnéale externe sur une lésion d’expansion et de fixation latérale gauche. En trois jours, les douleurs lombaires ont disparu et le patient ne se lève parfois plus qu’une fois la nuit pour uriner.

 

Une patiente de 29 ans consulte suite à son deuxième accouchement par voie basse, il y a 45 jours. Elle n’a pas eu d’épisiotomie, juste deux points pour une légère déchirure. Lors de son premier accouchement, il a été pratiqué une épisiotomie et la ventouse a été utilisé. Ses deux enfants se sont présentés par le sommet (tête en bas) et pesés à la naissance 3,4 et 3,6 kg.

Elle ne présente pas de symptôme particulier, si ce n’est un besoin impérieux d’uriner. Le traitement ostéopathique global a pris en compte une compression de la 4ème vertèbre lombaire avec atteinte du ligament jaune en regard du point de l’analgésie épidurale (deux ponctions avaient été nécessaires pour réussir à poser le cathéter), une fixation de l’estomac,  une lésion du périnée en ouverture bilatérale avec béance vaginale.  La patiente a pu ressentir une évolution de sa statique pelvienne et une amélioration de la capacité à retenir ses urines[1].

 

[1]Alors qu’elle n’avait pas encore commencé sa rééducation périnéale.

 

 

Pierre Achery DO

 

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