LE RECOIL Aspects subtils d'une technique de correction ostéopathique

Pratique Publié le 20 janv. 2023

Le recoil, tel que développé et présenté dans la méthode du Lien Mécanique Ostéopathique, est une technique de correction structurelle douce : mise en tension contre la barrière tissulaire (le blocage), impulsion dirigée contre la résistance et retrait des mains pour laisser agir la vibration induite[1].

Le recoil présente de nombreux avantages : simplicité et rapidité d’exécution, précision de l’ajustement, application possible sur toutes les structures du corps humain et chez tous les patients (du bébé à la personne âgée), efficacité immédiate et aucune contre-indication.

L’utilisation du recoil par de nombreux praticiens du LMO depuis plus de 30 ans a popularisé cette technique dans le monde ostéopathique. Malgré cette renommée, le recoil reste encore une technique un peu mystérieuse, souvent mal comprise ou mal utilisée. Il est vrai que comme tout geste manuel, seule une pratique régulière permet d’acquérir la connaissance et de saisir toutes les finesses de la technique.

Dans cet article, nous partageons le ressenti et le retour d’expérience de différents ostéopathes, tous experts dans l’art du recoil, pour évoquer les aspects subtils du recoil et les nombreuses déclinaisons qualitatives possibles de cette merveilleuse technique.

 

[1] Lire à ce sujet DIAGNOSTIC ET TRAITEMENT DE LA LÉSION OSTÉOPATHIQUE SELON L'APPROCHE DU LMO

 

Traitement du nerf fibulaire superficiel par recoil

Mise en tension

 

Impulsion

 

Retrait

 

Pierre Thibault de Beauregard

 

Concernant le recoil pour ma part lorsque je suis sur la lésion primaire j’essaie de focaliser mon attention sur le point avec comme idée que le temps ralentisse petit à petit et qu’à un moment le temps s’arrête et constitue pour moi un point d’équilibre entre la lésion, le patient et moi dans l’espace-temps.

Lorsque j’effectue mon recoil, j’ai dans l’idée de déclencher une onde de choc sur la lésion afin qu’elle se propage dans tout le corps de mon patient. 

Si je fais un recoil combiné je matérialise le lien entre les deux structures à libérer et je me focalise dessus (exemple: pour une lésion sur C7 et une lésion sur le péricarde, je visualise le ligament vertébro-péricardique).

Pour les lésions secondaires je garde un aspect plus structurel avec pour idée de libérer la structure et son environnement.

 

 

Claudio Petrucci

 

J'ai fait connaissance avec la technique du recoil lorsque j'étais encore étudiant en ostéopathie, en lui accordant peu d'importance. Dans les premières années après l'école, j'ai travaillé avec des techniques directes comme le thrust. En 2005, j'ai commencé à m'entraîner en LMO avec Paul Chauffour et, en réalisant le potentiel et l'efficacité du recoil, j’ai utilisé uniquement le recoil comme technique de correction. Durant toutes ces années, mon geste pour effectuer le recoil a considérablement évolué, devenant plus précis et plus délicat, car toutes les techniques utilisées en ostéopathie nécessitent une expérience pratique. Actuellement après avoir déterminé la lésion primaire, dans le premier recoil que j'utilise, je me concentre sur un point précis de la barrière lésionnelle trouvé par la somme des différents paramètres de la lésion.
Ce point particulier devient une porte d’entrée à la globalité du patient et lorsque je ressens cette sensation de “totalité et plénitude”, je lance mon recoil.
Dans les recoils suivants, l'attention est adressée sur la barrière de la lésion, un point d'équilibre entre la tension et la réponse de la lésion.



Sophie Nikitine

 

Ce même geste que l’on répète depuis plusieurs années est celui qui a le plus évolué au cours de ma pratique. Geste « unique » et tellement singulier, personnalisé, adaptable, modulable à chaque correction. Je reste toujours émerveillé par la multitude de déclinaisons que l’on peut effectuer à partir d’un outil unique « le recoil ».

Ces différentes déclinaisons se produisent pour moi autant dans ma mise en tension du geste que dans l’impulsion elle-même.

Le plus souvent, je commence avec une prise de contact tissulaire par une phase fonctionnelle puis ce retour vers une phase structurelle se terminant par cette « impulsion » qui souvent se traduit par l’image du caillou qui tombe dans l’eau aboutissant à une onde de propagation.

J’ai le sentiment que beaucoup de choses se passent dans les phases préliminaires du recoil et que le geste final vient simplement fixer l’information dans le tissu.

 

 

Olivier Dusser

 

A le voir exécuter par un ostéopathe du LMO, le recoil semble être d’une simplicité enfantine à faire. A le pratiquer depuis des années, il n’en reste pas moins mystérieux dans sa compréhension, extraordinaire dans son efficacité, et pas toujours si simple que ça finalement à bien réaliser.

Une fois la lésion primaire ou dominante trouvée, je m’applique à effectuer la mise en tension la plus efficace possible, la plus juste, là où mon pouce perçoit le tissu testé comme le plus tendu, voire contracté. Il n’est pas toujours nécessaire d’appuyer pour mettre en tension, mais parfois un peu quand même. Cela dépend de la tonicité des tissus du patient, et cela varie en fonction des patients, et des lésions du patient.

Je crois que tout se joue là. Si ma mise en tension est bien effectuée, je ressens sous mon pouce (mais aussi en moi), comme une « vérité », entre cette lésion vivante, et le patient ; ainsi qu’une harmonie entre mon patient et moi. Comme si je me trouvais sur un point d’équilibre ou au « centre » du patient.

Le retrait des mains pourrait alors paraitre secondaire, et je pense qu’il l’est parfois, tant beaucoup de choses se jouent dans cette mise en tension, et dans cette re-connaissance de la lésion par mon doigt à cet endroit précis (essentiellement pour les lésions primaire et dominantes). L’impulsion, suivie par le retrait des mains, n’est que le prolongement de la mise en tension, et se propagera de la lésion ainsi réduite, à l’ensemble du corps, et agira comme une vague réparatrice sur la plupart des autres lésions (c’est comme ça que je le vois). L’impulsion potentialise l’efficacité d’une bonne mise en tension.

Le recoil reste pour moi un outil fantastique, qui évolue sans cesse dans ma pratique en fonction de mon expérience, de mon état du moment aussi. Il reste tellement tolérant pour moi, car il peut être efficace, même si j’ai la sensation parfois de ne pas l’avoir parfaitement exécuté…  

 

 

Nicolas Caen

 

La technique du recoil m’a été présentée lors des ultimes cours de formation initiale en ostéopathie. J’ai compris et adhéré, dès le début, à la description d’un thrust allégé au maximum dans ses paramètres d’amplitude et de force avec un petit bras de levier. Qui plus est, je me réjouissais à la perspective de ne plus avoir à utiliser une salade composée de techniques diverses (manipulations structurelles, Traitement Général Ostéopathique, techniques fonctionnelles ou myotensives, etc.) pour aborder l’ensemble du corps. 

Enchainant, dans la foulée du Diplôme en Ostéopathie, les stages qui couvraient les différents segments corporels, l’intérêt est devenu une évidence pour les zones anatomiques qui n’étaient pas investiguées et celles où l’efficacité, plus ou moins nébuleuse, se faisait attendre.

Restant fasciné par la technicité des thrusts articulaires, j’ai choisi de les faire évoluer, au fur et à mesure, au profit du recoil. Eprouvant la technique et son efficacité, le changement s’est opéré, pas à pas, favorisant au passage une sécurité dont j’apprécie encore régulièrement le confort. L’approfondissement de ce qu’on dénomme à présent le traitement combiné a fini par supplanter la réussite des « prises de catch ».

Conservant tout de même régulièrement un petit thrust en fin de consultation, pour rassurer les patients habitués ou me rassurer en cas d’insatisfaction, j’ai décidé, un jour, de ne plus utiliser d’autre technique que le recoil. Visant, à bon escient, d’être exclusif afin d’aiguiser le recoil sans me disperser ou me sécuriser avec d’autre techniques.

S’il est possible que les plus sceptiques des patients ne soient pas revenus, les témoignages favorables ainsi que l’appel d’air de patients craintifs ne s’est pas fait attendre. Qui plus est l’assurance d’être traité avec une technique habituelle au cabinet est appréciée. 

Classiquement, je n’hésite pas à avoir un appui suffisamment marqué lors des mises en tension. La sensibilité nociceptive des patients peut occasionner quelques grimaces, mais, le plus souvent, le ressenti de la localisation précise du problème est tenu en estime. La mise en évidence de problèmes oubliés est du même acabit.  De plus, je ne crains pas d’envisager le côté modelant de certaines manœuvres, apposé au côté proprioceptif et énergétique.

Si j’ai pu essayer nombre de paramètres pour renforcer la barrière tissulaire (verbalisation, mentalisation, apnée, ventilation, MRP), c’est bien les recoils avec un positionnement préalable du segment à traiter que j’utilise régulièrement.

Pour une description subjective, lors de la mise en tension, ma synesthésie visuelle est une nuance de luminosité, sans couleur. Les contours des structures sont plus ou moins dessinés. Un assombrissement et un certain silence, au sens propre et au sens figuré, augmentent avec la focalisation sur la lésion.

Ces dernières années, je me suis appliqué à respecter un temps de latence après chaque recoil, avant de recontacter la structure. Le gain en efficacité est indéniable, gommant par ailleurs les répétitions fastidieuses de la technique. De même, dans la mesure où les tissus sous mes doigts n’indiquent pas le contraire, j’ai pu mettre l’accent sur le retrait des mains dans le sens de la correction. Outre la qualité technique et esthétique du geste, le gain en énergie du praticien pour l’ensemble de la journée est optimisé, faisant écho à l’un des points forts du recoil

 

 

Eric Prat

 

Le recoil s’est rapidement imposé comme l’unique technique de correction que j’utilise dans ma pratique. Avec plus de 35 ans d’expérience, je pense toujours que c’est la plus belle et la plus efficace des techniques ostéopathiques dont nous disposons (ce qui n’enlève rien aux autres approches).

La mise en tension nécessite beaucoup d’attention pour mettre le focus sur le point précis de la lésion. Au début de la mise en tension, je ressens une zone de résistance (la barrière tissulaire) qui, au fur et mesure de la recherche, devient progressivement un point précis.

Pour concentrer mon énergie sur ce point, je procède en ligne droite, en changeant de direction chaque fois qu’une résistance se présente avec l’idée de trouver un passage vers une nouvelle barrière qui sera encore plus manifeste. Il faut souvent plusieurs changements de direction pour progresser et atteindre le cœur de la lésion. Il est important de bien visualiser la direction du trait qui va du doigt à la lésion. Plus la ligne sera claire, plus le recoil aura de force. Comme dans le dessin artistique, le tracé d’une ligne est plus incisif avec plusieurs traits droits successifs qu’un seul trait courbe. L’alignement de plusieurs traits courts et brisés permet d’ajuster en permanence la mise en tension en fonction de la réponse des tissus. On peut ainsi « jouer avec la lésion » en variant la direction et la pression des traits jusqu’à trouver le point critique de la lésion ostéopathique.

Mise en tension dynamique par traits brisés successifs 

Cette mise en tension progressive s’accompagne souvent, pour le patient, d’une sensation « exquise », à la limite entre sensibilité et douleur. Ce point critique correspond au point de clivage (rupture) de la lésion. Au contact de ce point, je perçois alors généralement un « champ flottant », c’est-à-dire un équilibre dynamique entre la lésion ostéopathique et l’appui de mon doigt. Dans certains cas, notamment pour la lésion primaire, le champ flottant permet d’entrer dans une communication subtile et non verbale avec le patient et de ressentir, au-delà du blocage, la souffrance et le vécu de la personne.

L’impulsion induite par le recoil n’est pas vraiment perceptible par le patient, si ce n’est comme une sensation de détente pouvant être accompagnée d’une petite réaction neurovégétative (transpiration, borborygmes intestinaux) ou émotionnelle (soupir). Certaines personnes, plus sensibles que la moyenne, perçoivent la vibration du recoil parcourant l’organisme ou entrant en résonnance avec des zones particulières de leur corps.

Le retrait des mains qui suit immédiatement l’impulsion n’a pas d’autre objectif que de laisser agir la correction induite par le recoil. Par commodité, le retrait se fait habituellement dans le même sens que l’impulsion, c’est-à-dire dans le sens de la correction (et non pas dans le sens inverse comme parfois enseigné). Il est toujours plus facile sur le plan de la coordination motrice d’effectuer le recoil (impulsion et retrait) dans une seule et même direction, le retrait des mains ne faisant alors qu’accompagner le geste de l’impulsion. Le retrait peut être ample ou très court, voir quasiment nul si on veut garder le contact du patient.

Le geste du recoil s’accompagne souvent d’un petit bruit sec, comme un claquement de doigt, léger mais parfaitement audible. Ce petit bruit évoque celui d’un coup de fouet ou d’un allumage piézoélectrique. Le patient intrigué (se) demande souvent si c’est lui ou le doigt du praticien qui craque[1].  Ce claquement témoigne de la vigueur et donc, dans une certaine mesure, de l’efficacité de la technique. Pour ma part, j’éprouve toujours une bonne sensation lorsque mon recoil a « bien claqué » !

J’utilise la respiration de deux façons différentes : soit la respiration du patient, soit ma propre respiration. Si on se base sur la respiration du patient, il faut être attentif pour sentir dans quelle phase respiratoire, inspiration ou expiration, la lésion se majore. On effectue alors le recoil sur la phase qui accentue la tension des tissus. Si je m’appuie sur ma propre respiration, j’inspire légèrement lors de la mise en tension, garde une courte apnée sur le point d’équilibre (champ flottant) et expire brièvement sur l’impulsion et le retrait des mains[2].

Pour qualifier l’aspect dynamique et fulgurant du recoil, j’aime bien parler d’une « étincelle de vie ».

 

[1][1] En fait, même si le mécanisme du claquement n’est pas clair, c’est bien le doigt du praticien qui, avec la vitesse du geste, provoque le bruit.

[2] Une approche que l’on retrouve dans certaines techniques de frappe des arts martiaux

 

Olivier Samson

 

Au moment de préparer le recoil, mon ancrage est optimal. L’ajustement de la mise en tension me donne l’expression de cette lésion totale dans la vitalité du corps du patient.

S’il faut combler un vide énergétique, mon geste correcteur va de l’intérieur vers l’extérieur, en cherchant à construire une architecture à cette lésion d’effondrement.

A l’inverse, s’il faut disperser une accumulation d’énergie, mon geste correcteur va de l’extérieur du corps du patient vers l’intérieur. Je vise ainsi à contenir une lésion d’expansion en redistribuant son organisation spatiale.

L’impulsion demande au corps du patient de réagir pour cheminer vers un nouvel équilibre de bonne santé. Le retrait des mains est le prolongement du mouvement correcteur pour amplifier son onde vibratoire.

J’attends quelques secondes avant de faire si nécessaire un nouveau recoil, et laisser un temps d’intégration au corps, sans fatiguer ses capacités de réaction.

Si besoin, le deuxième recoil sera plus léger et plus englobant, pour accompagner un nouveau modelage de la structure dans sa réorganisation après la dissipation de la lésion tissulaire.

Je m’arrête lorsque je perçois un nouvel équilibre s’installer en plénitude dans tout le corps du patient.

 

 

Paul Chauffour : le recoil pneumatique

 

Le recoil pneumatique est une version technique particulière où le contact avec la lésion ostéopathique se fait à quelques centimètres de la peau. Paul Chauffour parle de recoil pneumatique (en référence au grec pneuma, le souffle[1]) pour évoquer un toucher subtil, « aérien », aussi léger qu’un souffle.

En pratique, pour passer du recoil physique au recoil pneumatique, on procède de la façon suivante.

Mise en tension légère de la structure jusqu’à trouver le point de blocage.

A partir de ce point d’équilibre, le praticien quitte le contact physique de la lésion pour se positionner à distance de la structure (quelques centimètres), tout en gardant la sensation d’un « petit coussin d’air » entre le doigt et la peau du sujet, petit coussin par l’intermédiaire duquel va s’opérer le recoil pneumatique.

L’impulsion, comme pour le recoil de base, est toujours dirigée contre la résistance. Dans le toucher pneumatique, l’impulsion revêt plus le caractère d’une information, d’une intention que celui d’une sollicitation physique.

Le recoil pneumatique se révèle particulièrement utile dans les cas où le contact avec la peau est problématique (problème cutané, brulures) et chez les patients extrêmement algiques ou présentant des contre-indications formelles aux techniques ostéopathiques (fractures, cancer).

A noter aussi que le toucher pneumatique est très proche de celui employé pour traiter l’encéphale à travers la boite crânienne[2].

Avec le recoil pneumatique, nous proposons une technique où l’ostéopathe se situe à la limite entre la structure physique et le champ électro-magnétique qu’elle dégage. Cette approche subtile doit être réservée à des praticiens expérimentés pour ne pas tomber dans les illusions d’un ressenti subjectif mais rester une technique ostéopathique efficiente.

 

L’idée du recoil pneumatique, donner à la matière (la structure) un mouvement (impulsion) et un esprit (intention), rejoint pleinement la pensée de Still : « Je trouve en l’homme un univers en miniature. Je trouve la matière, le mouvement et l’esprit.[3] » 

 

[1] Le terme grec pneuma (esprit) a été utilisé par les versions grecques de l'Ancien Testament pour traduire le terme ruah (souffle) de la Bible hébraïque.

[2] L'ENCÉPHALE UNE NOUVELLE APPROCHE OSTÉOPATHIQUE

[3] AT Still, Autobiographie 1897


 

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