L’APPAREIL VESTIBULAIRE, une nouvelle proposition ostéopathique de traitement des déséquilibres posturaux

Clinique Publié le 28 nov. 2021

Equilibre vestibulaire et posture

Au centre de la pyramide pétreuse, enchâssée dans l’os temporal, l’oreille interne est l’organe neurosensoriel de l’audition et de l’équilibre. Elle est constituée d’un labyrinthe antérieur cochléaire (la cochlée) et d’un labyrinthe postérieur vestibulaire (les canaux semi-circulaires et les organes otolithiques).

Ce labyrinthe osseux, composé d’os enchondral, a la particularité de ne pas former de cal osseux en cas de fracture. Le vestibule qui abrite l’utricule dans le plan horizontal et le saccule dans le plan vertical, se situe entre les 3 canaux semi-circulaires et la cochlée.

Le système vestibulaire renseigne en permanence le cerveau sur la position et les mouvements de la tête. Il permet d’adapter la posture (en stabilisant la tête et le corps) et d’ajuster la position des yeux (en stabilisant les images sur la rétine). C’est l’organe primitif et non conscient de la posture (apparus 600 millions d’années avant Homo sapiens) qui sert aux êtres vivants pour construire leur schéma corporel selon les paramètres d’une verticalité subjective.

Chez l’homme, le maintien actif et permanent de la posture érigée est à la base de la construction de la notion de verticalité. La posture fournit un support mécanique stabilisé qui sert de référentiel pour la perception de l’environnement et pour l'organisation de l'action. Elle permet à la fois d'orienter le corps dans cet environnement et de construire des représentations internes du schéma corporel. Ces représentations sont élaborées et continuellement mises à jour grâce à de nombreuses afférences sensoriels : visuelles, vestibulaires, proprioceptives, kinesthésiques et auditives.[1]  L’image inconsciente du corps s’appuie ainsi fortement sur cette référence vestibulaire.[2]

L'équilibre en position debout est le résultat d’une stratégie faisant intervenir plusieurs systèmes neurosensoriels simultanément :

- le système vestibulaire, constitué des différentes structures de l'oreille interne,

- le système visuel,

le système somesthésique qui se compose de l'ensemble des capteurs proprioceptifs (musculo-tendineux-articulaires) et extéroceptifs (cutanés) répartis dans le corps.

Le contrôle de l'équilibre est assuré par le système nerveux central sur la base des informations provenant de ces 3 entrées neurosensorielles.[3]

Les réponses compensatoires les plus fréquentes sont :

     - posturales,

     - oculomotrices,

     - viscérales.[4]

Dans notre pratique ostéopathique, nous avons souvent observé qu’une lésion intra-osseuse de l’os temporal pouvait entrainer  une légère dysfonction vestibulaire à même de retentir sur la posture du patient.

Plusieurs études, dont celle que nous avons menée objectivent clairement que le réglage ostéopathique de l’os temporal (os tympanal, mastoïde, ATM) couplé à celui de la jonction cranio-cervicale modifie favorablement l’équilibre postural.

En clinique, ces lésions ostéopathiques se révèlent également souvent en cause dans le mal des transports, les sensations vertigineuses, les acouphènes, certaines perturbations du développement psychomoteur de l’enfant (dyspraxies, instabilité à la marche) ou de l’équilibre du système nerveux autonome (nystagmus, nausées, vomissements).

 

[1] Posture et équilibration humaines, Brice Isableu, Nicolas Vuillerme, De Boeck Supérieur, 2016

[2] La relégation du vestibule, Benoit Virole, www.com.benoit virole, 2004

[3] Système vestibulaire et contrôle postural, Philippe Perrin, Dominique Vibert, De Boeck Supérieur, 2016

[4] Anatomie de la posture et du mouvement, Jean-Louis Jully, De Boeck Supérieur, 2017

 

Posturologie et ostéopathie

La posturologie étudie l’équilibre orthostatique régi par le système postural qui fait appel à l’oreille interne, à la proprioception, à l’œil et à l’entrée podale.

Certains ostéopathes ont conceptualisé une approche de la posture basée sur les lignes mathématiques du corps humain (Wernham, Dejarnette), les pivots articulaires ou les chaines musculaires (Mézières, Struyf-Denys, Busquet). D’autres confrères utilisent des tests de posturologie pour établir leur traitement ostéopathique. D’autres encore, conscients des difficultés qu’ils ont à équilibrer leurs patients, les adressent chez le posturologue, l’orthoptiste, le dentiste ou le podologue. Toutes ces approches sont intéressantes  mais on peut cependant légitimement se questionner sur leur efficacité si le système vestibulaire n’est pas d’abord équilibré ?

Comment traiter de façon efficace et durable les troubles fonctionnels du rachis ou, encore plus difficile, les scolioses sans un équilibre vestibulaire correct ? Et pourtant, faute de réelles propositions thérapeutiques,  en posturologie comme en ostéopathie, la fonction vestibulaire est toujours reléguée au second plan derrière le système visuel, l’équilibre de l’appareil manducateur ou le système podal. Dans des conditions stables, le corps utilise 70% de l’information somato-sensorielle, 20% du système vestibulaire et 10% de la vision. Cette relation s’inverse dans les performances cinétiques avec des plans très instables.

Les carences de la stabilité posturale se révèlent particulièrement fréquentes dans la population gériatrique (augmentation du risque de chute), dans les maladies neurologiques (troubles du mouvement), dans les douleurs chroniques ainsi que les blessures musculo-squelettiques.

Les quatre schémas crâniens du déséquilibre postural

Avec des années d’observations, nous avons pu mettre en évidence, chez nos patients présentant un déséquilibre postural notable, 4 schémas crâniens fondamentaux.

Nous décrivons ici sommairement ces quatre schémas lésionnels.

1. Inclinaison des os pétreux, possiblement induite par la position intra-utérine de de la tête fœtale et/ou une présentation céphalique latérale asymétrique dans le plan du détroit supérieur (asynclitisme) lors de la phase d’engagement. Cette inclinaison se manifeste positionnellement par une mastoïde plus basse que l’autre.

2. Torsion de la coupole crânienne, possiblement induite par la position intra-utérine de de la tête fœtale et/ou la rotation céphalique imposée dans le cylindre pelvien lors de la phase de descente. Cette torsion se traduit positionnellement par un hémi-frontal plus avancé que l’autre.

3. Déformation de l’écaille occipitale, entre le basi-occiput (ossification enchondrale) et la portion interpariétale (ossification membraneuse), possiblement induite par un utérus hypertonique, un problème d’accouchement et/ou la position décubitus prolongée du nouveau-né. Cette déformation intra-osseuse peut créer une asymétrie palpable de l’écaille occipitale (plagiocéphalie).

4. Décentrage de l’occiput par rapport à C1 et C2, possiblement induit par la déflexion de la tête lors de la phase d’expulsion[1]. Ce décentrage de l’occiput entraine généralement une translation et une rotation adaptative de l’atlas.

 

[1] Nous remercions ici un autre ami et confrère, Mickaël Bodhykov, qui le premier a remarqué  l’existence possible d’une lésion entre l’occiput et l’odontoïde de l’axis, lésion particulière et différente des classiques dysfonctions C0-C1 ou C1-C2 décrites en ostéopathie.

 

La jonction occiput-odontoïde

 

A noter que nous retrouvons presque systématiquement un ou plusieurs de ces schémas chez l’adulte avec une scoliose, comme chez le nouveau-né présentant une asymétrie morphologique de la tête.[1]

 

[1] Ce qui laisse à penser que ces lésions ostéopathiques s’installent très tôt, déjà pendant la grossesse et /ou l’accouchement.

 

Points clés de l’équilibre vestibulaire

Le labyrinthe osseux qui contient le vestibule, organe central de l’équilibration, se situe à l’intersection d’une horizontale (la base du crâne) et d’une verticale (le processus odontoïde).

Toute lésion ostéopathique d’une ou plusieurs pièces osseuses de ce système peut affecter durablement l’équilibre postural.

 

    1. Temporal (mastoïde et os pétreux, tympanal, apophyse zygomatique)

    2. Occiput (articulaire et intra-osseux)

    3. Atlas

    4. Axis

    5. Mandibule

 

Schéma fondamental du déséquilibre vestibulaire

 

    1. Inclinaison des os pétreux et du vestibule

    2. Décentrage de l’occiput

    3 Translation et rotation de l’atlas

    4. Rotation et torsion de l’axis

    5. Adaptation de l’articulation temporo-mandibulaire

    6. Adaptation du crâne

    7. Adaptation du rachis

    8. Adaptation des membres

 

Protocole de régulation posturale

 

    1. Normalisation de la lésion totale

    2. Mise à niveau des vestibules (mastoïde et os tympanal)

    3. Correction des lésions intra-osseuses de l’écaille occipitale

    4. Centrage de la plateforme occipitale sur l’odontoïde (C0-C2)

    5. Réglage de l’atlas

    6. Equilibration temporo-mandibulaire

    7. Ajustement de la jonction cranio-cervicale en fonction des mouvements oculaires

Test de l’os tympanal et du vestibule

 

En pratique

Avec le LMO, nous proposons une nouvelle approche ostéopathique de la posture associant trois points importants :

  - un traitement général qui va de la lésion primaire aux différentes lésions dominantes pour corriger le schéma lésionnel propre à chaque patient[1].

  - une régulation des propriocepteurs céphaliques de l’appareil vestibulaire centrée sur le positionnement du labyrinthe osseux et l’équilibre de la jonction cranio-cervicale.

  - une équilibration proprioceptive du réflexe cervico-oculaire basée sur l’ajustement de la jonction cranio-cervicale en fonction du regard[2].

 

Dans notre pratique ostéopathique, l’amélioration de la posture du patient assure clairement des résultats plus stables et plus durables qu’un traitement limité au motif de consultation. De plus, l’amélioration de l’équilibre postural joue un rôle majeur dans la prise en charge du jeune enfant (scoliose et attitude scoliotique[3], genu varum et valgum, différence de longueur des membres inférieurs), du sportif et de la personne âgée.

 

[1] Les propriocepteurs myo-articulaires (ajustement des segments corporels) sont abordés lors des stages LMO1 et LMO2, le crâne avec le LMO3 et le système nerveux avec le LMO6. L’approche spécifique de l’appareil vestibulaire est présentée au Master 4.

[2] Ce sujet particulier sera développé dans un prochain article.

[3] Voir article Nouvelle approche ostéopathique de la scoliose, Blog LMO

 

Eric Prat DO

Olivier Samson DO

 

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